ONDINE
Ecoute! Ecoute! c' est moi , c' est ondine qui frôle de ces gouttes d' eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune. et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui comtemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l' air.
Ecoute! Ecoute! mon père bat l' eau coassante d' une branche d' aulne verte, et mes soeurs caressent de leurs bras d' écume les fraîche îles d' herbes, de nénuphars et de glaieuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne.
Sa chanson murmurée, elle me suplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l' époux d' une ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j' aimais une mortelle, boudeuse et dépitée , elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s' évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
Aloysius BERTRAND 1807